La vie d'artiste awd

Gaston de Pawlowski

Nous étions trois amis intimes qui avions vingt ans aux alentours de 1897, Bottini, Launay et moi... écrit Gaston de Pawlowski sans s'expliquer davantage sur cette amitié, ce petit jour d'autrefois, frais et aventureux.
En ces temps reculés, le jeune Pawlowski vivait boulevard de Clichy et comme ses deux amis fréquentait Montmartre depuis son enfance. Tous trois connaissaient bien la petite rue Fontaine-Saint-Georges qui prolonge la rue Notre-Dame de Lorette et grimpe vers le tout nouveau Moulin Rouge. Les grands-parents de Pawlowski avaient eu un pied-à-terre dans cette rue, le père de Georges Bottini y avait ouvert son salon de coiffure, à deux pas de l'appartement où vivait la grand-mère de Fabien Launay.
Georges Bottini et Fabien Launay étaient de jeunes artistes, dessinateurs, peintres et graveurs, " Pawlo ", lui, était déjà l'homme aux dix mille plumes, conteur, humoriste, philosophe, journaliste, reporter sportif, inventeur. Que ne peut-il retrouver ces années d'insouciance et de fraternité... " Les peintres arrivés où les littérateurs enrichis peuvent une fois parvenus aux honneurs se moquer des jeunes rapins de la butte, témoigner une indulgence dédaigneuse aux bohèmes ; ils savent bien au fond d'eux-mêmes que c'est à cette bohème-là qu'ils durent tout leur talent, qu'il est une jeunesse pour l'art comme pour le corps et que l'on donnerait, pour retrouver cette jeunesse-là tous les majestueux triomphes de l'âge mûr."
Son émotion est feutrée mais il est plus troublé qu'il ne veut le paraître en évoquant ses deux amis, fauchés avant l'âge, en 1904 et 1907. Leurs vies ont été coupées net, dans leur premier élan, ils n'ont pas eu le temps de s'assagir. Fabien Launay aura toujours 26 ans et Georges Bottini, 32. Seul survivant du trio, Pawlowski en est aussi la sentinelle. Rétif aux confidences, ennemi des grands épanchements, il pèse ses mots, retient sa plume. Ils étaient ses frères, ils pourraient être ses enfants, peut-être l'ont-ils toujours été. Pawlowski veille sur leur mémoire, sur celle de Launay surtout, car Bottini est déjà quelque peu connu. Launay... Launay est un peintre qui s'est perdu et qui même mort semble défendre qu'on ne lui porte secours.
Pawlowski, qui connaît un formidable succès en 1912, grâce au Voyage au pays de la quatrième dimension, toujours réédité aujourd'hui, n'écrira pas ses mémoires, il s'intéresse plus aux autres hommes et à l'évolution de la société qu'à sa propre personne. Bottini et Launay n'ont laissé aucune trace écrite et aucun gazetier n'a eu l'idée saugrenue de publier leurs confidences. Le nom de Launay est effacé. Sa mort, déjà, était passée inaperçue. Celle de Bottini fut à peine plus remarquée. Ne restent de leurs vies que très peu d'images - pas la moindre photo de Bottini - quelques souvenirs de Pawlowski lui-même et les paroles éparpillées d'une poignée d'amis ; André Warnod, le plus jeune, conserve du trio quelques lointaines nostalgies : " Pawlo arrivait au Clou, toujours flanqué de deux jeunes peintres disparus depuis prématurément mais qui formaient alors le centre de ce petit monde. Aucun de nous n'oubliera jamais ni Launay ni Bottini. Ils étaient alors au printemps de la vie. Ils donnaient d'immenses espérances... "

La vie d'artiste

  NOUS ÉTIONS TROIS AMIS INTIMES QUI AVIONS VINGT ANS AUX ALENTOURS DE 1897, BOTTINI, LAUNAY ET MOI...
Récit biographique, 14,5×22,5 cm, 112 pages, 45 illustrations dont 24 en couleurs, Plein Chant n°80, Bassac, novembre 2005. 14
l'exemplaire, frais de port 2.30 .
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