La vie d'artiste awd

Pierre Farge
1878-1947

Un mètre cinquante huit... Ce petit homme allègre au regard bleu ensoleillé, c'est Pierre Farge. Avec sa canne et son chapeau, sa boite à couleur sur l'épaule comme unique baluchon, ce chemineau en sabots est aussi vivant que la silhouette de Vincent sur la route ensoleillée de Tarascon... mais lui a choisi de marcher vers le nord, c'est Paris la grise qu'il a décidé d'arpenter sans relâche. Il est peintre des rues, des toits, des ponts, des places, des monuments et des Parisiens. Peu importe la pluie, le soleil ou le vent, il est dans la rue pour peindre le vivant, pour l'attraper au vol. La carte postale ne lui est d'aucun secours, il veut se colleter à la réalité changeante du paysage. Il fixe hâtivement sa toile contre la grille d'un arbre ou sur le dossier d'une chaise confisquée à la terrasse d'un café et jongle - au rythme sourd de ses sabots sur le bitume - avec son bouquet de pinceaux. L'art du petit Corrézien séduit les citadins, et émerveille les touristes américains "Perfectly adorable, Mister Farge !" note Stanley sur la caricature de Pierre Farge en action Place du Terte.

Tout juste échappé de l'école primaire, il travaille avec son père menuisier au village. C'est à lui, sans doute, qu'il doit son extraordinaire habileté manuelle (il sculptera des petits bouts de bois toute sa vie). À vingt ans, une mouche le pique - la mouche du chemineau - il s'envole du village, en sabots, vers Montreuil-sous-Bois, Saint-Dié, Vanves, Paris rue des Morillons ou Paris rue de Châlon... Il est vitrier-ambulant puis facteur-ambulant quand le hasard le pousse avec sa femme Marie et son fils Pierre-Roger en bas de la Butte Montmartre où une autre mouche le pique - la mouche du peintre - il sera peintre-ambulant, car l'ambulant est une obligation... Il peint durant plus de vingt ans. Et comme les grands sages, le petit homme revint en son village, avant le coucher du dernier soleil, pour peindre sa terre et mourir parmi les siens le 27 décembre 1947.

LA LETTRE DE GAZOGENE, no28, 108 rue Jean Baptiste-Delpech, 46000 Cahors.

La vie d'artiste

  PIERRE FARGE, PEINTRE AMBULANT DES VILLES ET DES CHAMPS
Un livre de 64 pages, 15×21 cm, 26 illustrations couleur, 26 illustrations noir et blanc, 25 
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Le 4 septembre 1929 dans Paris-Soir
un article de Guy de la Brosse

Sait-on qu’il existe un vieux tableau du Douanier Rousseau daté de 1883 et que possède le peintre Pierre Farge ?

Ce tableau représente un des épisodes les plus tragiques de l’histoire du Petit Chaperon rouge, au moment où la fillette va être dévorée par le loup. Cette toile éclaire bien la philosophie, désormais légendaire, du douanier. Le sujet a été copié minutieusement d’une gravure, les tons sont blancs et noirs, cuits, « porcelainés ». La toile est signée, comme il convient, en blanc et en diagonale au bas du tableau, à gauche. Elle est placée au milieu des œuvres de Pierre Farge, l’ancien postier, qui s’en revient le soir, comme un paysan ou un terrassier, la veste sous le bras et, sous l’autre, le dernier site parisien qu’il vient d’exécuter.

Farge fut un grand ami de Rousseau dont il posséda longtemps le violon.

« Que dirait-il s’il connaissait son succès posthume ? »

s’exclame le survivant au contact duquel toute une atmosphère s’élève, celle « du douanier et du postier », celle de l’âme populaire qui nous a valu, au cours des âges, tous ces chefs-d’œuvre de poésie.


Épuisé.

viedartisteawd@gmail.com

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