Gommant son prénom, il écrivait à l'en-tête de ses lettres Chauvin sculpteur. Chauvin sculpteur, telle était sa réalité, telle était sa destinée. Il n'aimait guère en dire plus. Alors que d'autres artistes se livraient à l'envi, Chauvin se retranchait dans un mutisme souverain. Il n' avait pas opté pour la parole.
Ces silences déconcertants étaient ses sentinelles et ses messagers, ils décourageaient les gêneurs et ils parlaient à l'oreille de ceux qui voulaient les écouter.
Ils disaient que Chauvin sculpteur, comme Antoine Roquentin, ne voulait pas être intégré ; qu'il resterait toujours fidèle à lui-même ; qu'il n'aimait ni l'ostentation, ni les compromis, ni la médiocrité, ni les salamalecs. Ils disaient encore qu'il voulait échapper au siècle et au temps ; que l'art n' est pas un métier mais une façon d'être.
Tous ces silences se sont révélés aussi destructeurs que créateurs. C'est d' eux que sont faites les inébranlables murailles qui ont autant nui à l'homme qu'au sculpteur, mais c'est de cette matière pure, qu'est née cette ouvre poétique qui, comme Chauvin sculpteur, n'a jamais rien emprunté à personne. L'artiste est mort depuis près de trente ans, laissant comme seuls jalons ses sculptures, emportant ses secrets. Qui était-il ? Comment Jean Chauvin est-il devenu Chauvin sculpteur ? Pour aller à sa rencontre, voici, en guise de biographie, cinq portraits de l'artiste.

La vie d'artiste